Dans l'étreinte du passé
Se tisse les fils invisibles
De l'attachement
Vous vous inquiétez souvent que votre partenaire vous quitte?
Vous avez fréquemment besoin de rassurance quant à l’amour et la sincérité de votre partenaire?
Vous avez de la difficulté à vous engager pleinement dans une relation amoureuse?
Vous remarquez avoir une attirance particulière pour des personnes indisponibles?
Vous ressentez un malaise lorsque votre partenaire s’approche de vous?
Si certaines de ces questions vous parlent, la théorie de l’attachement pourra probablement vous aider à mieux comprendre certaines de vos tendances. Cette théorie a été développée dans les années 1970, par John Bowlby, et est de plus en plus connue et utilisée en psychothérapie.
Si vous vivez des difficultés répétées dans vos relations interpersonnelles, comprendre l’influence de l’attachement pourra vous aider à mieux saisir vos attentes, vos perceptions et vos comportements, mais aussi ceux de votre partenaire et à identifier des pistes de solutions pour modifier certains aspects de votre dynamique relationnelle.
TOUT D'ABORD, COMMENT SE DÉVELOPPE LE STYLE D'ATTACHEMENT?
Le lien d’attachement est le lien affectif qui se développe très tôt dans la vie, entre l’enfant et une personne qui prend soin de lui, que l’on appelle “figure d’attachement”. Il s’agit souvent d’un parent, la mère ou le père, mais dans certains contextes, il peut s’agir d’une autre personne significative qui investit émotionnellement l’enfant et prend soin de lui régulièrement.
Ce lien se développera de manière plus ou moins sécurisée, en fonction de l’accordage (synchronisation) entre les besoins de l’enfant et les réponses de la figure d’attachement. Ainsi, plus le parent va offrir une réponse sensible, chaleureuse, constante et cohérente aux besoins de l’enfant, plus l’attachement sera sécurisé. Au contraire, des réponses trop tardives, absentes, inconstantes ou rejetantes – qui n’apaisent pas l’enfant – pourront favoriser un attachement insécurisé.
Il n’y a pas de réponse parentale parfaite, on vise une réponse “suffisamment bonne” de la part du parent, c’est-à-dire une réponse qui sera, la plupart du temps, sensible et cohérente aux besoins de l’enfant.
Le style d’attachement se développe ainsi dans la tendre enfance, à travers les expériences liées aux besoins de réconfort, de proximité et d’exploration. Les études démontrent que le style d’attachement demeure relativement stable dans le temps, à moins de vivre des expériences significatives entraînant une modification des représentations d’attachement, les rendant plus sécurisées (psychothérapie, développement de liens d’attachement sécurisés) ou plus insécurisées (stresseurs importants, perte).
Le style d’attachement développé dans l’enfance correspondra donc généralement au style d’attachement qui se manifestera à l’âge adulte dans les relations amoureuses.
LES STYLES D'ATTACHEMENT AMOUREUX
Dans l’analyse de l’attachement amoureux, on distingue généralement trois styles principaux (sécurisé, anxieux et évitant) qui se déploient selon deux dimensions : l’anxiété d’abandon et l’évitement de l’intimité.
Dans le style sécurisé, la personne est à l’aise avec l’intimité émotionnelle et ne craint pas l’abandon. En revanche, les styles anxieux et évitants représentent des formes d’attachement insécurisées. La personne au style anxieux a tendance à être préoccupée par la relation, recherchant constamment l’approbation et la proximité de son/sa partenaire, tandis que la personne au style évitant a tendance à être sur la défensive face à l’intimité émotionnelle et à chercher à maintenir une certaine distance.
Certains auteurs évoquent également un quatrième style, le style désorganisé, où la personne peut présenter des aspects des styles anxieux et évitants, selon le contexte. Nous nous concentrerons ici sur le modèle à trois catégories, en gardant en tête qu’il est possible de vous reconnaître dans certains aspects anxieux et évitants.
Il est important de noter que ces catégories devraient être comprises comme un continuum plutôt que des classifications rigides. En effet, chaque individu peut présenter différents degrés d’anxiété face à l’abandon et d’évitement de l’intimité, ce qui crée des styles d’attachement nuancés et complexes, pouvant varier selon les contextes.
1. LE STYLE SÉCURISÉ
Le style sécurisé concerne environ 60% de la population. Il se caractérise par un faible niveau d’anxiété face à l’abandon et une faible tendance à éviter l’intimité.
DANS L'ENFANCE
Ces enfants ont bénéficié de parents généralement attentifs qui ont su répondre à leurs besoins de manière adaptée. Ces parents étaient là pour offrir réconfort lorsque nécessaire tout en encourageant l’exploration. L’enfant est donc confiant à l’idée d’explorer le monde et sait qu’il pourra trouver du réconfort auprès de ses parents en cas de besoin.
EN RELATION
“Je suis là pour toi et je sais que je peux compter sur toi.”
Dans les relations, la personne sécurisée peut exprimer ses émotions et ses besoins clairement, sachant qu’ils sont légitimes. Elle est capable de communiquer ouvertement avec son/sa partenaire, ayant confiance qu’elle peut compter sur lui/elle pour la soutenir. Les conflits ne sont pas vus comme menaçants, mais comme des opportunités de se comprendre et d’évoluer ensemble. Les personnes sécurisées ont tendance à choisir des partenaires qui partagent ce même style d’attachement.
Marie-Josée est une femme qui présente une bonne confiance en elle et en sa partenaire. Bien entendu, en 6 ans de relation, le couple a connu des désaccords. Cependant, lorsque cela se produit, Marie-Josée parle ouvertement de ses émotions et besoins et adresse les conflits dans le respect et l’ouverture. Elle aime sa partenaire, s’ennuie d’elle lorsqu’elle ne la voit pas pendant quelques jours, mais sait qu’elle pourrait vivre sans elle si la relation avait à se terminer.
2. LE STYLE ANXIEUX (STYLE INSÉCURISÉ)
Le style anxieux se caractérise par un fort degré d’anxiété d’abandon et un faible degré d’évitement de l’intimité.
DANS L'ENFANCE
Ces enfants ont généralement vécu avec des parents qui répondaient à leurs besoins de manière inconstante, parfois de manière sensible et adaptée, parfois de manière tardive ou incohérente. Il peut aussi s’agir d’un parent qui a surprotégé l’enfant, allant au-delà de ses besoins.
Les enfants présentant un style anxieux essaient constamment de rester proches des adultes pour s’assurer qu’ils seront là quand ils en auront besoin. Cela peut se traduire par des comportements immatures et dépendants. Fondamentalement, ils vivent une grande anxiété à l’idée de ne pas recevoir le réconfort nécessaire et d’être laissés seuls.
EN RELATION
“J’ai constamment peur que tu me quittes.”
En relation, une personne avec un attachement anxieux peut avoir peur d’être abandonnée et être hypervigilante face aux signes d’éloignement ou de rejet de son/sa partenaire. Quand elle ressent que son partenaire s’éloigne, elle peut chercher à rétablir la proximité de manière moins adaptée, par exemple en critiquant, en ayant des explosions de colère ou en adoptant un comportement provocateur. Elle peut aussi douter de la sincérité des sentiments de son partenaire et envisager de quitter la relation avant d’être quittée, pour se protéger.
Anne est en relation avec Simon depuis environ 6 mois. Elle vit beaucoup d’insécurité quant à l'amour que Simon ressent pour elle, surtout lorsqu'il préfère passer du temps avec ses amis plutôt qu'avec elle. Anne a tendance à reprocher à Simon diverses choses lorsqu'il prévoit des activités sans elle, ce qui peut entraîner des conflits. Elle se sent souvent mal dans la relation, étant donné la colère qu'elle vit, et menace parfois Simon de le quitter, bien qu'elle ne se sent pas capable de le faire réellement.
3. LE STYLE ÉVITANT (STYLE INSÉCURISÉ)
Le style évitant se caractérise par une forte propension à éviter l’intimité émotionnelle et une faible anxiété face à l’abandon.
DANS L'ENFANCE
Dans les interactions avec le parent, ces enfants ont souvent appris que leurs besoins ne seraient pas toujours pris en compte et qu’ils devraient se débrouiller seuls. Leurs parents pouvaient être distants ou peu réconfortants lorsque l’enfant avait besoin de soutien, ou bien trop intrusifs lorsqu’il explorait son environnement. Les enfants au style évitant peuvent se concentrer davantage sur les tâches et les activités plutôt que sur les relations, préférant garder une certaine distance émotionnelle. Ils expriment généralement peu leurs besoins et recherchent peu le réconfort.
EN RELATION
“Je préfère ne dépendre de personne et qu’on ne dépende pas de moi”.
En relation, une personne avec un style d’attachement évitant peut avoir du mal à s’engager dans des relations durables, préférant maintenir une certaine distance émotionnelle. Elle valorise l’indépendance et l’autonomie, évitant de compter sur les autres et ne voulant pas qu’on dépende trop d’elle. Cette personne peut avoir du mal à exprimer ses besoins émotionnels, paraissant froide et distante pour son/sa partenaire. Elle préfère éviter les conflits et les conversations délicates, afin de s’assurer de ne pas déclencher des réactions émotives chez l’autre; ce qui peut rendre difficile la communication dans la relation.
Raphaël vient de quitter sa partenaire, car il se sentait “étouffé” par ses demandes de passer du temps ensemble et de discuter de leurs émotions. Il avait tendance à éviter ces discussions, en tournant toujours tout à la blague, ce qui mettait en colère sa partenaire. Raphaël ressent un grand stress lorsque sa partenaire veut être proche, craignant d'être "envahi" par l'intimité émotionnelle.
Il est possible que vous vous soyez reconnu (ou que vous ayez reconnu votre partenaire) dans l’un des styles d’attachement présentés. Toutefois, il est important de rester prudent, car la théorie de l’attachement est complexe et nuancée. Ce que j’ai présenté ici représente les grandes lignes de chaque style d’attachement, mais il y aurait tant à dire. Je vous reviendrai avec un prochain article dans lequel j’aborderai les interactions entre les différents styles d’attachement dans un couple, ainsi que des stratégies pour mieux naviguer les insécurités d’attachement.
Je vous tiendrai au courant via mon infolettre, dès que cet article sera disponible. Si vous n’êtes pas encore abonné.e, vous pouvez vous inscrire en remplissant le formulaire qui se trouve en bas de la page d’accueil. D’ici là, voici une suggestion de lecture sur le sujet.
POUR ALLER PLUS LOIN
Si la théorie de l’attachement vous intéresse et que vous aimeriez aller plus loin dans votre compréhension des différents styles d’attachement amoureux, ce livre écrit par un psychologue membre de l’Ordre des psychologues du Québec pourrait vous intéresser.
L’auteur aborde avec sensibilité et profondeur le développement de l’attachement, les styles d’attachement et leurs interactions en couple et une section entière du livre est dédiée aux méthodes pour apprendre à se sécuriser davantage en relation.
Pour en savoir plus sur l’autrice de cet article :
Bibliographie
Béliveau, M-J. (2016). L’attachement perturbé : balises pour l’évaluation et l’intervention clinique, Université de Montréal.
Lafontaine, M.-F. et Lussier, Y. (2003). Structure bidimensionnelle de l’attachement amoureux: Anxiété face à l’abandon et évitement de l’intimité. Revue canadienne des sciences du comportement. 35(1), 56-60. https://doi.org/10.1037/h0087187
Pistorio, M. (2015). Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es. Montréal : Éditions Edito.